J’ÉTAIS LÀ…

Bon je sais, ce n’est pas un sujet très festif, mais que voulez-vous on n’a pas le choix. La seule certitude qu’on a dans la vie, c’est la mort…

Le mois dernier, ma maman est décédée des suites d’un cancer qui ne lui a laissé aucune chance sauf peut-être celle d’avoir le temps de voir tout son monde. Les médecins parlaient de six mois et nous en avons finalement eu dix-huit. Moi, à partir des six mois, j’ai pris chaque jour comme un cadeau, comme une journée de plus avec elle. Est-ce que j’en ai profité? Avec un peu de recul, je peux dire que non, pas assez. Malgré le fait qu’elle habitait à la maison avec nous, que je la voyais chaque jour, j’ai trop attendu. Je ne sais pas ce que j’attendais, mais j’attendais.

En mai dernier, on a dû se rendre à l’évidence que de rester à la maison était devenu de plus en plus dur non seulement pour elle, mais aussi pour mon père. Mon frère, mon père et moi avons fait la demande pour qu’elle aille en maison de soins palliatifs. Par le plus grand des hasards, une place s’est libérée dès le lendemain. Le mardi matin, je suis allée reconduire nos filles à la garderie et à mon retour, ils nous ont appelés pour dire que le transfert se ferait deux heures plus tard. J’étais heureuse, mais sous le choc. Comment allions-nous expliquer aux filles que grand-maman était partie vivre ailleurs et qu’elle ne reviendrait plus à la maison?  Finalement, la transition pour les filles s’est super bien passée. Du haut de leur trois et quatre ans, elles ont compris que grand-maman était malade et qu’elle devait rester près des docteurs afin qu’ils prennent soin d’elle en tout temps. On est allés la voir avec les filles tous les deux ou trois jours et tranquillement, on a espacé les visites. On pensait bien faire et les préparer à son départ imminent, mais rien ne prépare les enfants à cet évènement.

De mon côté, j’y allais plus souvent. Chaque fois, on ne parlait pas, on écoutait la télé et je repartais. J’essayais même souvent d’y aller quand il y avait des visites pour que ça soit moins lourd. Ma mère et moi n’avons jamais été proches, on n’a jamais vraiment parlé sauf de banalités, et même rendu là, ça ne changeait pas. Mais un moment donné, un ange est apparu sur mon chemin. Au courant du dernier mois (trop tard, mais bon), je me suis rapproché un peu, un pas à la fois. La première fois que je me suis approché pour lui donner un baiser, j’ai vu dans ses yeux qu’elle était contente alors j’ai continué à le faire. Toutefois, je n’arrivais toujours pas à lui parler sauf en surface.

Le 8 août dernier, j’ai subi une opération et j’ai pris beaucoup d’antidouleur durant les jours qui ont suivi. Je ne sais pas si c’est grâce à ça, mais j’ai fini par dire à ma mère que je l’aimais. Je l’ai serré fort dans mes bras. J’ai passé un nombre incalculable d’heures à son chevet, moi qui disais à tout le monde que je ne voulais pas être présente à la fin, que je voulais garder un souvenir joyeux comme dernière image. J’avais même un lit de camp au pied du sien. Le jeudi, ils lui ont injecté une médication qui l’a plongée dans un sommeil profond. Quand la décision a été prise, mon père et mon frère ont clairement exprimé le désir de ne pas être présents, c’était trop dur pour eux, ce que je respecte à 100%. De mon côté, je ne souhaitais pas non plus être présente, mais je ne concevais pas qu’elle s’endorme sans qu’il y ait quelqu’un à ses côtés alors je suis restée.

J’étais là quand ils lui ont fait l’injection, j’étais là quand, dans ses yeux, j’ai vu qu’elle comprenait ce qui se passait. J’étais là quand elle s’est mise à me parler et à me dire qu’elle m’aimait, qu’elle nous aimait mon frère et moi, qu’elle n’aurait pas pu avoir de meilleurs enfants que nous, que notre père était la plus belle chose qui lui soit arrivée. Et surtout, j’étais là quand j’ai vu ses petits yeux se fermer tranquillement pour s’endormir paisiblement. Non, je n’ai certainement pas assez profité de son vivant, mais je suis extrêmement reconnaissante envers la vie d’avoir pu être là à la toute fin, main dans la main, yeux dans les yeux. Je ne pourrai jamais assez remercier mon frère et mon père de m’avoir laissée vivre ce moment si précieux à mes yeux.

Tout ça pour vous dire que dire à quelqu’un « je t’aime » ne coûte rien. Oui, quand on n’est pas habitué c’est dur à faire, mais faites-le. Au moins vous n’aurez pas de regret et vous ne vivrez pas avec des « j’aurais donc du… ».